MALAISE DANS LA FAMILLE – PIPOL 12

MALAISE DANS LA FAMILLE – PIPOL 12

Sil est une évidence du Malaise dans la civilisation de notre époque, cest celle des familles. La famille nest plus, tout comme la figure du père, la même. Parfois encore d’apparence traditionnelle, elle se trouve fortement remaniée et se présente sous des formes diverses et extrêmement variées : décomposée, recomposée avec des enfants dunions différente pour chaque conjoint, monoparentale, homoparentale, ou encore tri-parentale. Les inventions ne cessent plus pour se bricoler, quand cest nécessaire, une manière de faire famille maintenant que la loi a remis en cause des codes de la famille qui avaient installé le père comme étant nécessairement celui de tous les enfants nés dans le mariage. Cette redistribution des rôles a visé, principalement, le représentant paternel ; sans doute avait-il fallu tenter de préserver ainsi quelque chose du patriarcat, qui néanmoins résiste mal sous les coups associés du discours de la science et du capitalisme.

La famille est la première institution humaine ; elle est donc symbolique et non pas naturelle. « Penser la famille comme relevant de la nature est une tentation, puisque chez les animaux ce type de lien existe […] [1] » Si elle est à la racine de l’institution humaine, on peut inférer qu’elle est aussi le point de départ de toutes les autres, et singulièrement des institutions de soins. Substituts ou prolongements de la famille, les institutions ne peuvent faire l’économie du travail avec les familles. Elles peuvent prendre distance de l’idéal familial en s’appuyant sur la clinique du sujet, mais elles ne peuvent le séparer de son Autre primordial, le véhicule de sa langue, dont l’incarnation est toujours issue de la famille aussi réduite ou absente soit-elle.

Dans son texte « Affaires de famille dans l’inconscient », Jacques-Alain Miller actualise la définition de la famille aujourd’hui. La famille n’a plus son origine dans le mariage, mais « la famille a son origine dans le malentendu, la non-rencontre, la déception, dans l’abus sexuel ou dans le crime […] La famille est formée par le Nom-du-Père, par le désir de la Mère, par les objets a […] La famille est essentiellement unie par un secret, elle est unie par un non-dit […] c’est toujours un secret sur la jouissance : de quoi jouissent le père et la mère ? [2] »

La famille est aussi par conséquent le lieu privilégié où s’exprime le Malaise dans la civilisation [3]. Si la famille est fondée pour satisfaire lÉros, le déchaînement de Thanatos, comme dans toute création humaine, y applique son joug par l’intermédiaire du Surmoi. Dans son grand texte sur les complexes familiaux, Jacques Lacan annonçait déjà la disparition programmée de la famille paternaliste [4] et soulignait que le complexe d’Œdipe lui était irrémédiablement attaché. J.-A. Miller souligne par ailleurs que les complexes familiaux, tels que Lacan les développe, sont une préfiguration de son structuralisme [5]. Sans la famille paternaliste, lieu de formation de linconscient structuré par les complexes, on peut entrevoir la disparition progressive de lŒdipe et des névroses classiques. La nouvelle définition de l’inconscient avancée par Lacan en 1957 [6], « l’inconscient est structuré comme un langage » permet de sortir de l’impasse du roman œdipien développé par Freud.

 

Le malaise dans la famille se traduit par de nombreux symptômes chez les enfants et les adolescents : les divers recours toujours plus nombreux aux psys pour traiter les dys en témoignent, ainsi que la violence et le toxique qui règnent chez les adolescents, sans oublier les nombreuses plaintes pour harcèlement et abus sexuels. L’envers de cet abord classique, sera de questionner la part que les adolescents et aussi les enfants d’aujourd’hui prennent quand ils s’élèvent contre les structures de la famille pour les faire voler en éclats. Et donc de cerner ce que peut être la place du psychanalyste dans la rencontre avec ces jeunes sujets et leurs nouveaux modes d’être.

 

Le signifiant-maître de l’amour règle la formation et la séparation des couples et donc des familles, mais le prix de cette liberté partagée, que nous n’imaginerions plus contester, est lourd à payer pour les familles. Là où dominait la promesse d’un engagement avec sa connotation morale et où, ailleurs, pouvait régner l’enfermement dans un ordre de fer sous la houlette de la morale religieuse, aujourd’hui c’est l’errance amoureuse qui balaie les couples et leurs rejetons au gré des disputes, et du partage des biens. Faire famille aujourd’hui nécessite d’inventer de nouvelles manières de fabriquer des liens, de vivre ensemble, de bricoler dans un espace et un temps qui sont plus que jamais temporaires.

Mais coexistent aussi dans nos métropoles des familles qui n’ont pas connu les effets des transformations résultant des oppositions conduites par la jeunesse, les luttes pour l’égalité des sexes, etc. Elles viennent de divers coins du monde et fonctionnent avec des structures traditionnelles, souvent étroitement nouées à des pratiques religieuses. Dans cette très grande hétérogénéité et diversité que notre société a laissées se développer au gré de la mondialisation et de l’ouverture aux autres, à l’Autre différent, nous constatons que les sujets sont souvent écartelés entre deux discours du maître : celui de leur famille et celui des valeurs qui traversent la société, par exemple le discours woke.

L’angoisse est, aujourd’hui, le symptôme prévalent dans ce qui se rapporte à la famille. Elle supplante largement les symptômes corporels et la culpabilité. Elle amène un certain nombre de sujets à décider de ne pas fonder une famille, se sentant impuissants face à l’avenir. Ils ne savent pas où trouver l’appui pour les défis que notre société doit affronter pour tenter de réguler ce que la jouissance des humains ne cesse de produire comme déchets envahissants et déclenchements de guerres.

 

L’introduction de ce que l’on pourrait appeler un Autre illimité (internet et ses applications), dérégulé (avec ses codes propres et échappant aux législations qui peinent à encadrer leur usage) et omniscient (les intelligences artificielles) au cœur même des familles contribue à la désorganisation des liens. Surinformés, désinformés, constamment aux prises avec les nouvelles du monde, les sujets ont affaire à une jouissance illimitée qu’ils sont peu formés à affronter. Cet outil humain, comme toute création humaine, transporte le meilleur et le pire et a un impact direct sur le Malaise dans la famille.

 

Mais, la famille c’est aussi le un par un de ceux qui la composent – grands-parents, parents, enfants, cousins, etc. – et de ce que chacun met en jeu de sa propre névrose ou folie qui, là, peut apaiser, ailleurs, pousser au pire.

PIPOL 12 sera l’occasion de mettre à l’étude ce qu’aujourd’hui signifie ce concept de famille, ce qu’il contient, ou pas, dans la nouvelle configuration des familles où l’accélération des changements des liens sociaux n’est pas sans se manifester dans les demandes et les modalités d’une clinique qui s’invente et que nous notons dans notre pratique.

 

[1] Jacques-Alain Miller, « Affaires de famille dans l’inconscient », Enfants terribles et parents exaspérés, Institut psychanalytique de l’enfant du Champ freudien, Paris, Navarin éditeur, 2023, p. 161.

[2] Ibid., p. 163.

[3] Freud lui consacre un chapitre dans son essai Malaise dans la civilisation, PUF, 1971, p. 49-59.

[4] C’est ainsi que Jacques Lacan la qualifie dans son texte « Les complexes familiaux dans la formation de l’individu », Autres écrits, Seuil, 2001, p. 56.

[5] Jacques-Alain Miller, « Lecture critique descomplexes familiaux’ de Jacques Lacan », La Cause freudienne, n60, juin 2005, p. 33-51.

[6] Jacques Lacan, « L’instance de la lettre dans l’inconscient ou la raison depuis Freud », Écrits, Le Seuil, 1966, p. 193-528.

Mental n°49 – Maladies de la mentalité

Mental n°49 – Maladies de la mentalité

Résumé :

Les maladies de la mentalité se distinguent des maladies mentales sérieuses, telles que Jacques Lacan les qualifiait. Elles concernent ces « fous normaux qui constituent notre ambiance », ces inclassables qui échappent aux catégories psychiatriques classiques. Elles ne forment pas pour autant une nouvelle entité diagnostique, mais un concept qui nous permet de saisir une série de phénomènes qui, du fait du déclin de l’ordre social traditionnel, prennent de l’ampleur dans la clinique contemporaine : errance, quête identitaire, hypertrophie de l’image et du narcissisme, fascination pour le monde virtuel et les développements de l’intelligence artificielle.

Présentation :
Notre maladie de la mentalité

 En introduisant, aux Journées de l’École freudienne de Paris en 1976, le terme de « maladies de la mentalité », Jacques-Alain Miller a épinglé un fait clinique essentiel, dont nous n’avons pas fini de tirer des enseignements. À partir des dits d’une jeune femme rencontrée par Lacan dans le cadre de ses présentations de malades, il propose de distinguer les maladies mentales dans lesquelles le sujet a affaire à un Autre complet, et qui sont de ce fait marquées par la certitude, de celles de ces êtres qui « n’ont pas été convenablement agrippés par le symbolique, et [qui] en gardent un flottement, une inconsistance [i] ». Les maladies de la mentalité permettent de rendre compte d’une série de phénomènes qui se déploient dans le registre imaginaire, chez des sujets pour lesquels l’inscription première dans le discours de l’Autre a fait défaut. Elles annoncent des remaniements de la doctrine analytique, ouvrant la voie, notamment, à la psychose ordinaire que J.‑A. Miller conceptualisera des années plus tard.

Cependant, la portée de cette formule s’étend au-delà du champ des psychoses. La dimension du mental, qui permet « l’adéquation du physique au monde [ii] », existe chez tous les êtres doués de sensibilité. Chez les êtres parlants, en revanche, le langage et le narcissisme s’interposent, perturbant le mental et l’adaptation au milieu. Parce qu’ils croient être les auteurs de leurs paroles et de leurs pensées, parce qu’ils imaginent posséder leur corps, la mentalité des parlêtres les situe comme foncièrement débiles par rapport au réel. « Je suis un peu un théâtre de marionnettes [iii] », constate avec lucidité Mlle Boyer. Ne dévoile-t-elle pas là ce qui est notre lot à tous ?

Si nous sommes tous affligés d’une mentalité, ceux qui en sont malades nous montrent que le symbolique, seul, « ne donne pas au sujet de tenir ensemble [iv] », et que c’est le corps qui donne sa consistance mentale au parlêtre [v]. Lorsque quelque chose cloche dans ce rapport corporel, cela n’est pas sans conséquences sur la possibilité de s’identifier, d’éprouver des affects, et de s’inscrire dans le lien social. Dans la mesure où notre temps est celui de l’inexistence de l’Autre, ces phénomènes en viennent à prendre de l’ampleur dans la clinique contemporaine. La psychiatrie, qui depuis longtemps se fourvoie dans un nouvel organicisme, échoue à diagnostiquer et traiter ces sujets qui se présentent comme des inclassables – bien qu’ils viennent souvent avec leurs autodiagnostics. La rencontre avec un analyste est un recours, si celui-ci prend acte de ce que la maladie de la mentalité ne prend pas la parole au sérieux [vi] et parvient à l’élever au-delà du bavardage.

Les maladies de la mentalité nous aident aussi à éclairer certains faits de l’époque. Le déclin de l’ordre social traditionnel, de ses interdits et de ses idéaux, accentue les effets d’égarement et d’errance. Les individus se retrouvent davantage aux prises avec leurs modes de jouissance, qu’ils tentent alors par eux-mêmes d’inscrire dans un discours afin de pouvoir s’insérer dans le lien social. On assiste ainsi, d’un côté, à une hypertrophie de l’image et du narcissisme, et de l’autre à la recherche de nouvelles nominations, qui peuvent virer à la quête identitaire et se rigidifier au sein de communautés plus ou moins éphémères. Ceux qui peinent à s’insérer dans un discours peuvent être conduits à se fondre dans une masse, à adopter la mentalité du troupeau. Enfin, la fascination pour le monde virtuel et pour les développements de l’intelligence artificielle ne signe-t-elle pas que le parlêtre rêve d’être débarrassé de sa mentalité, préférant désormais s’en remettre à la machine, qui lui apparaît comme le meilleur « exemple de la santé mentale [vii] » ? Fantasme d’une pensée enfin pure, débarrassée de la dysharmonie qu’elle entretient avec le corps, que la persistance de notre maladie de la mentalité vient démentir.

Alice Delarue

[i] Miller J.-A., « Enseignements de la présentation de malades », La Conversation d’Arcachon. Cas rares : les inclassables de la clinique, Paris, Agalma / Seuil, 1997, p. 289.
[ii] Miller J.-A., « Santé mentale et ordre public », Mental, n3, janvier 1997, p. 24.
[iii] Lacan J., « Présentation de Mlle Boyer », in Miller J.‑A. & Alberti C. (s/dir.), ?, hors-série. Lacan Redivivus, Paris, Navarin, 2021, p. 119.
[iv] Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Pièces détachées », enseignement prononcé dans le cadre du département de l’université Paris 8, cours du 1er juin 2005, inédit.
[v] Cf. Lacan J., Le Séminaire, livre xxiii, Le Sinthome, texte établi par J.‑A. Miller, Paris, Seuil, 2005, p. 66.
[vi] Cf. Miller J.-A., « Enseignements de la présentation de malades », op. cit., p. 304.
[vii] Miller J.-A., « Santé mentale et ordre public », op. cit., p. 25.

Points forts :

. des textes d’orientation qui articulent les avancées théoriques du dernier enseignement de Lacan et la clinique contemporaine

. des textes qui éclairent, grâce aux concepts analytiques, certains phénomènes qui traversent notre époque : prédominance de l’image, recherche de nouvelles nominations qui peuvent virer à la quête identitaire et communautaire.

. deux interviews riches d’enseignements : un entretien avec Paul Bercherie, psychiatre et psychanalyste, qui apporte une perspective essentielle sur la crise du diagnostic psychiatrique, ainsi qu’un entretien avec le linguiste et spécialiste de l’intelligence artificielle Thierry Poibeau, qui amène des éclairages sur la tentation actuelle de s’en remettre à la machine pour être enfin débarrassé de la mentalité humaine.

. un aperçu de la façon dont la littérature classique et contemporaine, ainsi que le théâtre et le cinéma, traitent du thème de l’errance et de l’égarement

Sommaire

— Éditorial

Notre maladie de la mentalité, Alice Delarue

— De l’adoration du corps au corps dérobé

« Ah quel est ce corps tout à coup dont elle se sent pourvue ? ». Actualité du Ravissement de Lol V. Stein, Virginie Leblanc-Roïc

Solution genrée à la maladie de la mentalité, Inga Metreveli

Avoir un corps : du miroir à la consistance mentale, Paula Galhardo Cépil

— Rencontre avec Paul Bercherie

Les apories du diagnostic psychiatrique

— Débilité et psychose ordinaire

De l’idiotisme à la débilité mentale, de Philippe Pinel à Jacques Lacan, Mathieu Siriot

La psychose dans l’enfance : entre la mentalité et l’ordinaire, Silvia Elena Tendlarz

Il faut un dire pour que cela tienne, Enric Berenguer

La psychose ordinaire est-elle une maladie de la mentalité ?, Jean-Claude Maleval

Comment la débilité peut-elle exister ?, Pascal Pernot

— Le recours à l’analyste. Cas cliniques

Retenir le ballon, Lieve Billiet

Un peintre, Araceli Fuentes

« Je bredouille », Un cas de débilité en institution, Alessandro Siciliano

Un corps en crise, Raquel Da Matta Beauvais

Explorer la matière langagière, Ariane Fournier

— Masses, troupeau et non-dupes

L’être dans le troupeau, Guy Briole

Les bourreaux nazis, une mentalité ordinaire ?, Clément Fromentin

La mentalité, le S1 et la certitude, Laurent Dupont

Trois manières d’être malade, Clément Marmoz

— Rencontre avec Thierry Poibeau

Les troublants artifices de la machine

— Mentalité ex machina

La débilité mentale à l’ère de l’intelligence artificielle, Miquel Bassols

La machine est-elle l’avenir de l’homme ?, Cécile Wojnarowski

« Je fonctionne comme un smartphone », Vicente Palomera

— Arts de la mentalité

Le brave soldat Švejk : une métaphore de la débilité ?, Théodora Pavlova-Cullard

Les métamorphoses d’Opale, Sur Le Caméléon d’Elsa Agnès et Anne-Lise Heimburger, Eva Carrère Naranjo

Un long travelling arrière ou Sue perdue dans Manhattan, Anne Ganivet-Poumellec

Tout sauf le vide, Hélène de La Bouillerie

Religieux, corps et mentalité, à propos de Dans les yeux de Tammy Faye, Laura Ceccherelli

— Événement

« Lacan, l’exposition » : l’art interprète la psychanalyse, Dominique-Paul Rousseau

3eme journée du CERA, « L’autisme pour tous ? »

3eme journée du CERA, « L’autisme pour tous ? »

Le 23 mars 2024 a eu lieu la 3eme journée du CERA au palais des congrès de Paris Versailles à Issy-les-Moulineaux sous le titre « L’autisme pour tous ? ».

Nous avons eu le plaisir d’accueillir 530 personnes en présence pour des travaux cliniques et théoriques ainsi que les témoignages saisissants de Mireille Battut, la présidente de « La main à l’oreille » et de Anne-Cécile Nackaerts qui a participé au livre de Déborah Allio consacré à Briac, son fils autiste[1]. Au cours de la journée quatre cas cliniques ont été discutés de façon approfondie par deux discutants auxquels s’est ajouté Éric Laurent qui a été notre fil rouge des cas de la journée. Il a notamment souligné les capacités de langage très élaborées dont un sujet autiste faisait preuve, maniant le secret et l’injure d’une façon particulière, alors même qu’il se présentait avec des grandes difficultés de socialisation et des acquis scolaires précaires. Les discussions ont permis de montrer combien les sujets autistes sont des travailleurs décidés pour améliorer leur rapport au monde et mieux réguler la jouissance qui les envahit. Le début d’après-midi a donné lieu à l’exposé des travaux de recherche d’Éric Laurent qui portait sur « la non-réson et la topologie dans lalangue autiste » et de Jean-Claude Maleval. La contribution de ce dernier dont le travail portrait sur le cas d’Albert Einstein a permis par un argumentaire solide qui illustrait bien la rigueur clinique de la démarche analytique de réfuter son supposé autisme régulièrement repris sur les réseaux sociaux. Le texte de Jean-Claude Maleval a été lu, comme il nous y avait invités, puisque son empêchement par un cas de force majeure nous a privés au dernier moment de sa présence. Yves-Claude Stavy a accepté de le remplacer pour une fructueuse discussion des deux textes.

Introduite par la présidente de l’ECF, Anaëlle Lebovits-Quenehen, qui a donné une perspective politique forte à notre orientation, la journée s’est conclue par un mot de Jérôme Lecaux, directeur du CERA qui fut également le directeur de la journée.

Rendez-vous est d’ores et déjà donné pour 2026 pour la 4eme édition. Les matinées du CERA se poursuivent au local de l’ECF (transmises par Zoom sur inscription).

Jérôme Lecaux

 

[1] ALLIO D. :  Attention a peur ! – Conversations avec la famille d’un jeune autiste, Imago, 2023

Mental n°48 – L’impuissance des pères

Mental n°48 – L’impuissance des pères

Résumé :

Ce nouveau numéro de Mental explore les multiples résonances de la figure du père aujourd’hui, pour montrer l’usage qu’en font au quotidien les analysantes et analysants qui inventent dans le dispositif analytique une manière de se servir de leur version du père.

Présentation :

Où sont les pères ? C’est la question qui court sur toutes les lèvres ces derniers mois, des plateaux de télévision consacrés au proliférant thème de la parentalité aux discours psychologisants, politiques ou sociologiques visant à expliquer les récentes émeutes dans les quartiers populaires : Les pères des quartiers difficiles sont des adultes défaillants. Les pairs sont tout puissants et les pères trop absents. Il n’y a plus de pères, ne subsistent que des papas. Surgit alors la ribambelle des pères dits « démissionnaires », ceux qui sont « écrasés par leur travail », les pères « humiliés », les « laxistes », les papas « poules » ou ceux qui font « copain-copain ».

À l’autre bout de l’échiquier, se tiennent pourtant les pères « toxiques », les pères « sévères », « abusifs » et « violents », tous les tenants d’un système qui reposerait sur la domination des hommes, du père au maître, condensé dans ce signifiant qui marque notre époque et désigne son insupportable, le patriarcat. Sans oublier ses pires incarnations, avatars grimaçants de petits pères des peuples qui se dressent avec leurs gesticulations à la tête de plus en plus de nations aujourd’hui.

Comment saisir un tel paradoxe ? Ce père dont on avait, comme Dieu, prédit la mort, serait-il un phénix ne cessant de renaître de ses cendres ? Ou faut-il voir dans ce saut d’un extrême à l’autre, du pas assez au trop de père, les deux faces d’une même médaille où la figure paternelle serait rendue d’autant plus consistante qu’on ne cesserait de la vilipender ?

Ce sont ces questions que nous avons mis au travail dans ce nouveau numéro, orientés par une lecture de notre époque dont la langue bruisse dans nos institutions et entre les murs de nos cabinets, et par le tout dernier enseignement de Lacan, au-delà du père freudien, et dans lequel le père devient un signifiant quelconque qui peut contribuer à orienter sa vie.

Points forts :

  • Des morceaux choisis du dernier congrès européen de l’Eurofédération de psychanalyse, Pipol XI, « Clinique et critique du patriarcat »résonances de la figure du père dans la culture et la civilisation, et présentations cliniques sur la question de l’usage du père par des praticiens exerçant dans toute l’Europe.
  • Des textes d’analystes sur le tout dernier enseignement de Lacan et la façon dont il dépassa la version freudienne du père symbolique pour montrer son usage au-delà de l’Œdipe, sans céder pour autant sur la nécessité de faire lien autrement qu’avec la référence au père universel.
  • Deux entretiens avec deux grands intellectuels, l’ethnologue Pierre Lemonnier, sur les multiples valences des rituels d’initiation des garçons par des figures paternelles chez les Baruya, en Papouasie-Nouvelle Guinée. Et la romancière Gwenaëlle Aubry, qui n’a de cesse de dépasser le récit autobiographique et la marque du père pour montrer la possibilité d’accueillir l’autre en soi.
  • Une rubrique consacrée aux derniers ouvrages théoriques et littéraires sur la question, ainsi que sur l’écho du thème dans la culture.

 

SOMMAIRE

Éditorial

 Virginie Leblanc-Roïc, Où sont les pères ?

 Clinique et critique du patriarcat :

 Jacques-Alain Miller, Le père devenu vapeur

Guy Briole, Se réinventer

Guy Poblome, « Rejoindre à son horizon la subjectivité de son époque »

Christiane Alberti, Résonances de la critique du patriarcat outre-Atlantique

Éric Laurent, Le père, contingent ou nécessaire ?

Clotilde Leguil, Patriarcat et énigme de la soumission

Gérard Wajcman, Du père au father

Camilo Ramírez, Les nouveaux rêves de réveil absolu

Olena Samoilova, Sans bénédiction

Chahla Chafiq, Religieux, politique et patriarcat : l’exemple iranien

 Usages et mésusages contemporains du père :

Céline Poblome-Aulit, De l’obscure autorité à l’escapade

Thomas Van Rumst, Ce qui reste

Dalila Arpin, Félix m’a adopté

Araceli Teixidó, Le patriarcat à la place des mots manquants

Isabelle Orrado, Le regard du père,

Matteo De Lorenzo, Il fait le fou !

Xavier Gommichon, Un pédagogue hors pair

 Rencontre avec Pierre Lemonnier :

 La fabrique des pères

 É-pater :

 Laurent Dupont, Le géniteur, le père, et l’é-pater

Dominique Laurent, La contingence des exceptions

Maurizio Mazzotti, Exceptions délimitantes

Jacqueline Dhéret, La solitude du signifiant-maître

Alexandre Stevens, La position du plus-un

Jean-Claude Encalado, La place du père dans le droit civil

 Le père en réson :

 Aurélie Pfauwadel, Féminisme et « patriarcat » des frères

Amelia Barbui, L’Italie, bouillon de culture naturelle pour un totalitarisme fluide

Francesca Biagi-Chai, Ce que la psychanalyse enseigne sur les féminicides

Jocelyne Huguet Manoukian, Quand le Père Noël fait symptôme

Philippe Lacadée, Non de dieu, papaoutai

  Rencontre avec Gwenaëlle Aubry :

 « La tribu de l’enfance fait confiance à la langue »

 Mi-lire :

Virginie Leblanc-Roïc, Constance Debré, tout contre le nom du père

Mercedes de Francisco, Les « inclinations » du père

Sophie Charles, Gérard Garouste ou refuser l’héritage des pères

Clémence Coconnier, « Tuer des lions »

Dominique Grimbert, Lucia Joyce, folle fille de son père, d’Eugène Durif

Tetiana Tsvelodub, Joyeux anniversaire, Papa !

Christina Simandirakis, Mes veines sur le côté

Mental n°47 – Les maladies de la médecine

Mental n°47 – Les maladies de la médecine

Résumé :

« La disparition du soin » : c’est ainsi que le professeur Didier Sicard, ancien professeur de médecine ayant  présidé le Comité National d’Éthique ainsi qu’une commission chargée de réfléchir sur la fin de vie, a nommé dans l’entretien qu’il nous a accordé le réel auquel la médecine et ses praticiens ont affaire : soit la façon dont le management, les réductions budgétaires et l’abandon de la clinique au profit d’une croyance de plus en plus marquée dans le biologisme le plus obtus (partagée par les médecins comme par les patients) ont pour conséquence le délitement de l’accueil des malades.

À telle enseigne que c’est au chevet de la médecine elle-même, et de celles et ceux qui l’incarnent au quotidien, qu’il semble urgent de se pencher.

 Présentation :

« Qui témoigne pour le témoin ? [1] », s’interrogeait Paul Celan hanté par la Shoah. Qui, pour soigner les maladies de la médecine et de ses praticiens ? Et est-ce vraiment la place, sinon la fonction de celles et ceux qui exercent la psychanalyse ?

C’est toute l’actualité de cette question qui fit l’objet, en 1966, d’une table ronde sur « La place la psychanalyse dans la médecine ». Il est urgent de s’enseigner aujourd’hui de ce que Jacques Lacan y pointa avec tant d’acuité. D’abord en dévoilant à quel point la médecine est entrée dans « sa phase scientifique [2] », confrontant ses praticiens à la question de leur « productivité [3] », « requis dans la fonction du savant physiologiste ». Ensuite en interrogeant la brûlante question de la demande du patient et de son empan : « Où est la limite où le médecin doit agir et à quoi doit-il répondre [1] ? » Comment peut-il, de nos jours, résister à ce tiraillement qui vire parfois à l’écartèlement entre l’attente d’efficacité de patients de plus en plus informés, d’une part, et l’exigence de rentabilité économique, d’autre part ? Quand ce n’est pas purement et simplement la tentation de se laisser emporter par les sirènes d’une médecine bornée à ses preuves, ses résultats biologiques, jusqu’à sa plus extrême réduction organique ou neurologique ?

Ce numéro s’attachera à montrer combien la psychanalyse a plus que jamais sa place dans la pratique de la médecine, non en position de savoir surplombant, mais bien en ce que l’analyste, qui sait le poids des mots et leurs effets physiques peut contribuer de bien des façons et dans bien des lieux d’exercice à garantir la préservation d’un écart, qui se réduit parfois à d’humbles interstices où venir loger des mots qui portent, dans leur percussion toujours singulière, mais vibrant pour chaque un de l’impossible qui nous échoit d’être parlants, et qu’il s’agit de supporter.

[1] Ibid., p. 20.

[1] Libre traduction d’un vers de Paul Celan par Yannick Haenel placée à l’ouverture de son roman, Jan Karski, Paris, Gallimard, 2009.

[2] Lacan J., Le Bloc-notes de la psychanalyse, n°7, 1987, p. 19, publié initialement dans Les Cahiers du Collège de médecine, no 12, 1966.

[3] Ibid., p. 27.

 

Points forts :

  • des articles de médecins et praticiens de la psychanalyse qui réfléchissent aux conditions d’exercice de la clinique médicale aujourd’hui à l’heure des plus hautes avancées technologiques dans la pratique médicale et du phénomène de dépathologisation dans le monde du soin.
  • des textes d’analystes et sur les récents débats sur la fin de vie, le droit à mourir dans la dignité, ainsi que l’euthanasie pour souffrances psychiques.
  • des interviews de deux grands spécialistes, Didier Sicard, professeur de médecine, ancien président du Comité National Consultatif d’Éthique, et de Stéphane Velut, neurochirurgien et auteur de nombreux ouvrages sur la question du management appliqué au monde de la médecine.
  • Une rubrique consacrée aux derniers ouvrages théoriques et littéraires sur la question, ainsi que sur les dernières parutions concernant le thème dans notre champ

 

SOMMAIRE

– Éditorial

Virginie Leblanc-Roïc,  Malades malgré eux

– Ce qui s’entend dans ce qui se voit

François Leguil, Clinique médicale/Clinique psychanalytique

Catherine Lacaze-Paule, In Silico : le corps pris dans l’imagerie médicale

Elise Etchamendy, La coupure digne

Xavier Leguil, Les maladies de la clinique

– Rencontre avec Didier Sicard

« Plus on parle du soin, plus il disparaît »

– Du refus de savoir au transfert incarné

Guy Briole, Déclin d’un homme de prestige

Sarah Benisty, Médecine et psychanalyse. L’orientation lacanienne hier et aujourd’hui

Laura Vigué, Retard diagnostique et temps de savoir

Emmanuelle Borgnis-Desbordes, S’autoriser, en médecine

– Demande ou désir de mort

François Ansermet, Une mort prescrite

Geert Hoornaert, Euthanasie pour souffrance psychique insupportable

Caroline Doucet, Le vivant, un tournant dans la fonction du médecin

Georges Jovelet, Mourir au xxie siècle. Place du suicide et de ses équivalents chez la personne âgée.

Cyrus Saint Amand Poliakoff, « The pleasure-dome »

– Urgences chiffrées

Marie Laurent, Les maladies de l’hôpital

Cécile El Maghrabi Garrido, Jouir d’un droit n’est pas chose aisée

Araceli Teixidó, La violence contre les médecins : un symptôme de la médecine

Roberto Cavasola, Les ratages de la psychiatrie contemporaine

Agathe Sultan, Politique psy : MonPsy et l’âne à liste

– Rencontre avec Stéphane Velut

La médecine face au parasite d’une nouvelle langue

– Lingua Administratus Imperi

Vanessa Sureau, L’éducation thérapeutique du patient : les enjeux d’une démédicalisation du soin

Patricia Loubet, La dépathologisation dans tous ses états

Pierre Ludovic Lavoine, La psychiatrie et « Mister Google »

Marion Evin, Zone de guerre

– Mi-lire

Ariane Chottin, « Chérissez votre propre désir ». A propos de Mental et Professeur Yamamoto part à la retraite, de Kazuhiro Soda

Marie-Christine Bruyère, Fou c’est le bon mot mais uniquement au singulier

Philippe Lacadée, « Guérir » par l’invention d’une écriture permettant «un singulier bonheur»

Dominique Corpelet, Lecture de Neurologie versus psychanalyse, de Hervé Castanet

Sylvie Berkane Goumet, Les nouveaux guérisseurs

Mauricio Diament, S’orienter avec les Premiers écrits de Lacan